LE GUIDE A REJOINT LA LUMIÈRENotre Maître , T.K.V. Desikachar a, comme disent les indiens, "quitté son corps pour rejoindre la lumière" le 8 août, dans sa 78e année.Srî Tirumalai Krishnamacharya Venkata Desikachar fut, pour tous ceux qui ont eu la joie de recevoir son enseignement, un véritable “guru” dans le sens indien du terme, celui dont les paroles ont du poids. Il fut aussi un “âcârya”, celui qui guide son disciple des ténèbres vers la lumière. Notre reconnaissance envers ce Maître exceptionnel et sa lignée est infinie. Son père et Maître, SrÎ T. Krishnamacharya (1888-1989) récitait sa généalogie par cœur, en commençant par Îshvaramuni qui vécut au 9e siècle. Puis, toujours au 9e siècle, naquit un fils, Nâthamuni auteur du célèbre traité intitulé le “Yogarahasya”, texte essentiel pour cette lignée. Ensuite se succédèrent de nombreux Maîtres jusqu’aux six enfants de SrÎ T. Krishnamacharya. SrÎ T.K.V. Desikachar, le 4e de la fratrie, grandit avec trois sœurs et deux frères dans la région de Mysore, Inde du Sud. Connu comme le “père du yoga moderne”, SrÎ T. Krishnamacharya a entre autres transmis le yoga à deux yogis célèbres, B.K.S. Iyengar et Patabhy Joys qui ont fait connaître cette discipline dans le monde entier. Ce qu’ensuite SrÎ T.K.V. Desikachar a lui-même fait. En 1960, leur famille déménage à Madras (aujourd’hui Chennai), sur la côte Sud-Est de l’Inde. T.K.V. Desikachar qui a terminé des études d’ingénieur exerce ce métier durant un an. C’est à cette époque qu’il est un jour témoin de l’infinie reconnaissance que l’une des patientes témoigne à SrÎ T. Krishnamacharya pour l’avoir guérie. SrÎ T.K.V. Desikachar, qui pratiquait déjà le yoga avec son père depuis l’enfance, lui demande alors de le former pour parvenir à son tour à transmettre cette discipline, au lieu de poursuivre son travail d’ingénieur qu’il ne considérait plus être sa voie. Il consacrera sa vie à mettre le yoga au service de l’être humain pour améliorer le bien-être et la santé. Son enseignement fut essentiellement individuel. Lorsque le philosophe et Maître J. Krishnamurti demande à T. Krishnamacharya des cours de yoga, celui-ci désigne T.K.V. Desikachar pour être son professeur. Quotidiennement à partir de janvier 1966, J. Krishnamurti, avant sa conférence du matin, l’accueille sous le porche de sa résidence, une rose à la main. Pour lui, T.K.V. Desikachar guide matin et soir une pratique de yoga d’une vingtaine de minutes. Si heureux que sa santé s’en trouve rapidement meilleure, J. Krishnamurti conseille à de nombreuses personnes de se mettre au yoga avec T.K.V. Desikachar et le yoga devient de plus en plus populaire à Chennai. En 1967, Gérard Blitz, l’un des fondateurs du club Méditerranée, organise pour ses amis européens un stage de yoga avec T.K.V. Desikachar à Madras. De nombreux étrangers deviennent ses élèves, auxquels il transmet à chacun un yoga adapté. Les cours, espacés d’un jour à une semaine, s’étendent sur des périodes allant d’un mois à un an selon les possibilités et les besoins de chacun. T.K.V. Desikachar a ainsi transmis une vaste palette “d’outils” du yoga : âsana postures, prânâyâma respirations, mantra supports méditatifs sonores, mandala supports méditatifs visuels, nyâsa rituels et surtout, selon la tradition orale, des textes majeurs du yoga et des philosophies associées, Yoga-sûtra, Samkhya-kârikâ, Bhagavad-gîtâ, Hathapradîpikâ, Yogayâjñavalkya, Yogarahasya… En 1976, à Chennai, T.K.V. Desikachar fonde en honneur à son père le Krishnamacharya Yoga Mandiram (KYM), centre de yoga qui regroupe en moyenne vingt à trente professeurs donnant chacun des cours individuels à des élèves et patients. Chaque élève reçoit une pratique adaptée, à faire chez soi sur une période d’un jour à deux semaines. Il revient ensuite pour reprendre un cours et repart avec une nouvelle pratique basée sur son évolution. Tout en assumant cette lourde charge, T.K.V. Desikachar continue à prendre quotidiennement des cours avec son père SrÎ T. Krishnamacharya jusqu’au jour où celui-ci quitte son corps en 1989. Il dirige de nombreux stages en Europe et aux USA, enseigne à cette occasion dans de nombreuses universités dont Harvard et conseille l’élite politique indienne. Ce que je retiendrai toujours de mon professeur : simplicité, sincérité, humour, empathie, charisme, capacité exceptionnelle de diagnostic, importance d’un yoga adapté au besoin de chaque individu. Est-ce pour cela qu’il choisit un jour le mot viniyoga, extrait du Yoga-sûtra ch. III, sûtra 6, pour désigner ce que représente son enseignement ? Ce terme signifie l’application de celui-ci au service des besoins de chacun à chaque instant. Vi, c’est dispenser généreusement, ni avec humilité, le yoga. Bernard Bouanchaud |
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